23/04/2008

Balade aux Buttes

Un espace de verdure, un parc paysager que l’on peut qualifier de pittoresque à cause de son asymétrie, son irrégularité qu’il doit à ses pentes. On y accède par 6 portes la principale étant celle de la place Armand Carrel où se tient la mairie du 19ème arrondissement.

Des édifices jalonnent la promenade, par ici un petit temple sur le modèle du « temple de Sybille » à Tivoli où l’on aperçoit une vue splendide sur Montmartre, par là des ponts (celui des suicidés et la passerelle), un escalier de 200 marches taillé dans la roche, des ruisseaux artificiels (ne vous emballez pas, il n’y a pas de truites et il est inutile de venir avec votre canoë-kayak), un lac (en cas de gel, on n’y patine pas : on n’est pas à l’Hôtel de Ville), une grotte et même des rails, empreintes du chemin de fer de la petite ceinture. Merci donc aux précurseurs de l’écologie, Napoléon III et le baron Haussmann, pour ce Paris vert. Et bienvenue à tous les parisiens dans ce « paradis légendaire » qui vu du haut a, selon Aragon, la forme d’un bonnet de nuit.

Ce parc mythique est une invitation à la poésie, au rêve éveillé. Malgré tout ne soyez pas surpris d’y croiser quelques sportifs acharnés préparant le marathon de Paris ou de simples accros de la course à pied tournant des heures durant, essoufflés comme des bœufs, le regard hagard et le visage écarlate, les veines des tempes qui battent à une cadence infernale, le tee-shirt dégoulinant de sueur… ou, plus anachronique encore, quelque amateur de boxe française ahanant à l’échauffement ou quelque athlète têtu s’échinant à grimper à croupetons les différentes côtes du parc.

J’en conviens ce n’est pas très poétique, mais ça fait aussi partie du paysage. Tout comme les rastas-babas qui fument le pétard, les jeunes qui se sont trompés d’époque et qui font tourner un mange-disques avec des 45 tours, des personnes âgées réfugiées sur un banc à l’ombre dans les allées (on se croirait presque parfois dans un couloir de maison de retraite), les Blanche Neige qui préparent en toute insouciance leur mélanome, le vendeur de canettes qui lui aussi transpire à trimballer sa glacière et s’égosille dans le parc en criant « boissons fraiches », les femmes accompagnées de leurs toutous à poil long, ras ou frisé (non je ne parle pas des maris – il y a bien longtemps qu’ils ne les accompagnent plus !). Ces mêmes femmes qui, il y a quelques années, promenaient fièrement bébé dans la poussette et qui, aujourd’hui, revenues de tout, vous font un exposé de leurs troubles de la ménopause, de leur dépression, des traitements donnés par le « spychiatre »…

Bref, vous l’aurez compris, si la sociologie vous intéresse vous aurez là un parterre de recherche tout à fait approprié…

Alors comme Aragon dans « le paysan de Paris » laissez-vous gagner par « le sentiment du merveilleux quotidien ».

Si ce cinéma estival de plein air vous étourdit, je vous propose un autre rendez-vous tout aussi exceptionnel : celui du festival silhouette qui se déroule chaque année en soirée (fin août début septembre). Il s’agit d’un festival de courts métrages en plein air et en accès libre. Les projections de fictions, de documentaires ou de films expérimentaux sont précédées d‘un concert. Une initiative à saluer car malheureusement le court a perdu sa place dans les salles obscures pour se restreindre à un public d’initiés. Cette bévue est donc corrigée par cette ouverture au grand public. Il n’y a pas qu’à la Villette sur la butte Montmartre ou au Trocadéro qu’on se fait une toile en plein air. Les Buttes-Chaumont ont aussi leur cinéma au clair de lune !

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